" Ils partent à pied, emmenant leur camarade
sur le dos, arrivent vers le 17 février. Dans la
nuit, Le Gros Durand voit débarquer chez lui onze
personnes dont Nicole, il a en face de lui des hommes
complètement anéantis, épuisés,
presque des épouvantails. Étant donné
les terribles représailles que vient de subir la
population dans la région, on doit s'entourer de
mille précautions. Au matin, l'autre fils Durand,
Gabriel, dit Bibi, se rend à Ambronay, chez des
amis sûrs, pour téléphoner au docteur
Le Teissier de Jujurieux, et lui demander de venir rapidement.
Le docteur arrive dans la matinée. Pour Chochotte,
il faut le faire amputer d'urgence, la gangrène
menace. Fleurine est chargée par son père
de prendre contact avec le chirurgien de la clinique d'Ambérieu.
En allant à son travail, dans une usine de fabrication
de gants, elle va voir le Docteur Salles et lui expose
la situation en lui indiquant que s'il ne souhaite pas
ou ne peut pas intervenir, il faut oublier sa visite.
Il accepte (témoignage Tenand Fleurine née
Durand).
Dans la nuit, une partie des collègues, avec la
famille Durand et les frères Tenand, dont Élie,
l'emmènent à pied et avec leurs armes. Le
Docteur Salles les attend avec une infirmière,
il n'est pas très rassuré, l'infirmière
tremble aussi, d'autant que els recommandations sont claires
: " s'il arrive quoi que ce soit à notre collègue,
nous reviendrons " (témoignage Élie
Tenand).
De retour, il faut héberger et cacher ces maquisards,
Tosi va à Douvres chez Honoré Quinson, Linsolas
se retrouve chez Mme Veuve Pollet de Saint-Germain. Les
frères Tenand ramènent Boineau chez leurs
parents au Molard (témoignage Élie Tenand).
Pour Baptiste, c'est plus compliqué. Il lui faut
déjà nourrir sa famille de douze enfants
avec les petits enfants, sa mère, au total seize
personnes. Mais, avec sa générosité
habituelle, il se dit qu'un de plus ou un de moins, cela
ne se connaît pas dans la marmite.
Le danger augmente de jour en jour, les Allemands sont
installés dans la Château de Saint-Gras,
juste au-dessus du village. Et puis chez les Tenand de
Douvres, on n'oublie pas ce qui est arrivé aux
Tenand des Allymes, ils ne peuvent s'empêcher de
toujours penser que ce coup leur était destiné.
Qu'importe, Boineau est accueilli comme un fils. Pour
tous ce sera Pierrot. Il veut aller dormir dans le foin
à l'étable, mais Baptiste lui dit qu'il
dormira avec ses fils. Les fils de Baptiste dorment dans
l'ancienne amison de l'Abbé Bouguet, où,
au fond de leur chambre, une niche dans le mur abrite
une grande statue de la Vierge et de Jésus. On
retrouve pratiquement la même statue dehors, dans
un édicule surmonté d'un croix, érigé
par l'Abbé Bouguet à côté de
sa maison, en souvenir de sa consécration à
Marie. Cet éticule porte l'inscription : "
Oh Marie, protégez ce village ! ". Comme on
le verra, marie va exaucer ce voeu pieux et aucun membre
de la famille, ni du village ne sera tué. Conscients
des risques qu'ils encourent, au bout de la grande table,
qui est la place de Baptiste, est dissimulé un
revolver pendu à un clou sous la table, en cas
de coup dur si on vient les arrêter. Pour dissimuler
l'opération de Chochotte, et parce que ses blessures
pourraient éveiller des soupçons, le docteur
l'opère aussi de l'appendicite. N'ayant pas de
nourriture, et encore moins de tickets de ravitaillement,
Mme Pollet, Fleurine et d'autres, portent régulièrement
de la nourriture au blessé dont le séjour
dure une quinzaine de jours. Puis Chochotte passe sa convalescence
chez Fleurine à Douvres pour une durée de
presque deux mois. De temps en temps, de nuit, ses collègues
viennent lui rendre visite et en profitent pour se ravitailler
(témoignage Fleurine Tenand, Attestation du Docteur
Salles). "
Extrait
tiré du livre "Douvres, Village résistant
de l'Ain", p.38-39